Comment aider les victimes à revivre ?
1. Regarder la réalité en face
La personne devra peu à peu retrouver les souvenirs de l'abus, admettre les dégâts et ressentir les sentiments adéquats.
a. Retrouver les souvenirs de l'abus
La victime préfère souvent les oublier, tant cela la dégoûte ou la terrifie.
Ou alors elle les raconte froidement, comme si c'était arrivé à quelqu'un d'autre. Mais ce déni est un obstacle à la guérison.
L'abus ne doit pas être gommé, mais nommé.
Avec beaucoup de tact, on l'encouragera à remonter dans le passé, parfois très lointain, car seul un abcès vidé peut cicatriser.
Le retour des souvenirs refoulés se fera progressivement au cours de la psychothérapie. L'inconscient de la personne collabore activement par le moyen de rêves, ou d'images qui lui reviennent à
l'esprit.
Certains événements font aussi resurgir les traumatismes oubliés, par exemple : une rencontre avec l'abuseur, une grossesse, la ménopause, un autre abus, le fait qu'un de ses enfants atteigne l'âge
qu'elle avait lorsqu'elle a été abusée, le fait de se retrouver sur les lieux de l'agression, ou le décès du coupable.
b. Admettre les dégâts
Ce retour pénible dans le passé va lui permettre d'admettre les dures vérités suivantes :
J'ai été victime d'un ou de plusieurs abus sexuels. C'est un crime contre mon corps et contre mon âme.
Etant victime, je ne suis en rien responsable de ce crime, quoi que j'aie pu ressentir.
Suite à ces abus, je souffre de sentiments d'impuissance, de trahison et d'ambivalence.
Ma souffrance est intense, mais la cicatrisation est possible, si j'admets qu'il y a eu blessure.
Cette cicatrisation prendra du temps.
Je ne dois pas recouvrir mon passé d'un voile de secret et de honte ; mais je ne suis pas non plus obligé d'en parler au premier venu.
c. Ressentir les sentiments adéquats
La culpabilité (qui est un sentiment racket très fréquent ici), la honte, le mépris, l'impuissance, la haine, le désespoir, devront peu à peu être remplacés par les sentiments plus adéquats que sont
la colère envers l'abuseur et ses complices, et la tristesse face aux dégâts subis. Cette tristesse ne doit pas mener à la mort, au désespoir, mais à la vie, c'est-à-dire à une foi, une espérance et
un amour renouvelés.
Le conseiller favorisera l'expression de ces deux sentiments, de manière réelle ou symbolique, mais toujours en toute sécurité, à savoir dans le cadre protégé des séances de relation d'aide.
2. Décider de revivre
Pourquoi une victime d'abus sexuel devrait-elle décider de revivre, après tout ce qu'elle a souffert et souffre encore ? Tout simplement parce qu'il est meilleur pour elle de choisir la vie et non la
mort.
Choisir de revivre signifiera pour elle :
a. Refuser d'être morte
Elle trouve normal de vivre avec un corps et une âme morts ; paradoxalement, cela lui permet de survivre, en ne risquant plus de ressentir la joie ou la douleur.
b. Refuser de se méfier
La victime se méfie de tous les êtres humains. Une femme violée, en particulier, voit tout "mâle" comme étant le "mal". Elle devra apprendre à transformer sa méfiance envers les hommes en vigilance,
ce qui est tout différent.
c. Ne plus craindre le plaisir et la passion
Ces deux éléments la ramènent au drame qu'elle a subi, alors elle les fuit. Ce faisant, elle se prive de ces deux dons.
Ayant été victime du désir (pervers, mais désir tout de même) de quelqu'un, elle "jette le bébé avec l'eau du bain", c'est-à-dire qu'en rejetant l'abus qu'elle a subi, elle rejette en même temps tout
désir, même le sien.
Elle doit réaliser que ce n'est pas parce que quelqu'un a eu un désir pervers envers elle qu'elle doit désormais renoncer à son propre désir.
d. Oser aimer à nouveau
Elle devra progressivement renoncer à ses attitudes autoprotectrices et à son repli sur elle-même pour goûter à nouveau à la joie d'aimer les autres et de nouer des relations chaleureuses et
sûres.
Elle quittera sa carapace pour retrouver un cœur tendre, capable de prendre le risque d'aimer ceux qu'elle rencontre. Elle abandonnera ses défenses, ce qui ne veut pas dire qu'elle ne s'entourera pas
de protections. Une protection n'est pas une défense.
Elle découvrira alors que, s'il est vrai qu'une ou plusieurs personnes l'ont trahie, la grande majorité des autres sont dignes de confiance.